En 1985, alors que le spectre des hordes de chars du Pacte de Varsovie déboulant vers l’Europe occidentale à travers la trouée de Fulda ne s’est pas encore évanoui, Jeux Nathan publie un jeu de guerre sur le thème d’une bataille de blindés.
L’illustration (ainsi que le plateau de jeu assez désertique) évoque davantage la guerre Iran/Irak et les conflits israëlo-arabes, occasions d’intenses engagements blindés, que le théâtre européen.
Dans la boite, nous trouvons un livret de règle très peu épais, une carte à hexagones -curieusement déformés, nous y reviendrons-, 48 véhicules en plastique et aucun dé.

Aucun dé.
Car c’est là la grande originalité, ce wargame se joue avec un ordinateur programmable. Carrément. Cependant, ce dernier est somme toute basique et s’apparente plus aux dés électroniques que vous réalisiez en classe de TSA au collège.

Sous le capot de la bête :
Pour le faire fonctionner, il ne vous faudra pas moins que la puissance démesurée d’une pile carrée 4.5V (so old school !!!).
Les règles
Pour vaincre, il faut soit détruire l’ensemble des forces adverses, soit atteindre la case du QG de l’adversaire. La partie peut se jouer en 1 contre 1, 2 contre 1 ou 2 contre 2, mais pas en solo malgré la présence de cet ordinateur.
Chaque joueur dispose de 8 tanks et de 4 voitures blindés, les premiers sont plus lents. Au dos de chaque véhicule, il y a 0,1 ou 2 picots en plastique qui indiquent la puissance du véhicule, seuls les chars existent en niv 2.


La programmation
A son tour, le joueur « programme » l’ordinateur :
- il choisit une option plutôt offensive augmentant les chances de réussir les tirs, ou défensive qui privilégie la réparation
- il choisit ensuite s’il préfère favoriser le mouvement, ou, là encore, la réparation des unités endommagées.
Le mouvement
Le joueur doit ensuite appuyer longuement sur le bouton pression noir. Les diodes se mettent alors à clignoter et s’arrêtent lorsque le joueur relâche la pression.
Les résultats possibles :
- diode « 4 » : 4 pts de mouvement pour ce tour
- diode « /\ » autorisation de tirer sur une unité distante de 1 à 2 hexagones
- diode « 2 »: 2 pts de mouvement pour ce tour
- diode « réparation » : un véhicule en réparation peut être déplacé d’une case
- diode « +3 » : 3 pts de mouvement pour ce tour
En même temps, le résultat du prochain tir est calculé mais il ne sera affiché que si l’on presse le bouton rouge.
Le joueur dépense ensuite ses unités en respectant quelques contraintes :
- char : 1 pt de déplacement pour 1 case
- voiture blindée : 1 pt de déplacement pour 2 cases en dehors des zones urbaines, 1 case sinon
- le changement d’orientation dans l’hexagone est gratuit… mais attention ainsi à ne pas révéler la puissance de votre véhicule.
- on ne peut traverser un hexagone occupé ou empiler plusieurs véhicules sur un même hexagone.
- Les effets de terrain (rivières, ponts, montagnes) sont assez limités : les montagnes sont impassables et même si les règles ne le précisent pas, on suppose que c’est aussi le cas pour les cours d’eau hors cases de ponts.
Le Combat
Le combat se fait toujours entre unités adjacentes sauf si vous disposez du bonus « /\ » auquel cas, le tir peut se faire à 1 ou 2 hexagones de distance.
En dehors des zones urbaines, les tirs n’ont lieu que vers l’avant du véhicule et uniquement via un des grands côtés des hexagones. En ville, cette dernière contrainte est levée.
Pour chaque tir à résoudre, on appuie sur le bouton pression éponyme (le rouge) et on regarde la diode tir :
- Si elle s’allume en continu, le tir est réussi et on compare la puissance des 2 véhicules. Le plus faible des 2 est détruit, en cas d’égalité, c’est le tireur qui l’emporte.
- si elle clignote, le tir est réussi et on compare la puisance des 2 véhicules. Le plus faible des 2 va dans un centre de réparation, en cas d’égalité, c’est le tireur qui l’emporte. Si les 2 centres de réparation sont occupés, le véhicule est détruit
- si elle ne s’allume pas, le tir est un échec et rien ne se passe.
- ensuite, très important, il faut appuyer de nouveau sur le bouton mouvement ! Ce qui n’est pas très pratique…
Le tir introduit donc une petite notion de bluff, puisque la puissance des véhicules est dissimulée, des véhicules de niv 0 peuvent donc être utilisés comme leurres ou masquer un véhicule plus puissant.
L’histoire du jeu
Jeux Nathan n’a pas créé TankAttack en 1985 mais s’est contenté de repackager un jeu plus ancien.
La première version terrestre nommée « Taktik » remonte au moins à 1976. A l’exception de la boite elle semble en tout point identique à la version Nathan. Elle a été éditée par Alga (suède), développée par Ake et Henrik Andersson et probablement réalisée en Irlande comme l’indiquent les mentions sur le plateau de jeu et le dessous de l’ordinateur.



Une déclinaison navale nommée Marinattack a aussi été réalisée. L’ordinateur est, à la couleur près, identique tandis que les navires sont représentés sous forme de pions cartonnés tenus verticalement par un socle plastique.


Les règles semblent identiques mais les unités sont plus variées, il y en aurait 10 contre 2 pour la version terrestre. Le jeu à plus de 2 joueurs ne semble pas possible.
En 1976, Tankattack est publié en anglais/français par IQ Games, qui éditera l’année suivante MarinAttack et Megapolis..une version guerre financière du système de jeu !
Nathan ne publiera que Tankattack qui sera réédité ensuite par CDS Games en 1988 mais malheureusement aucun visuel n’en est disponible.
Un peu de subjectivité
Pour des jeunes joueurs (le jeu est donné pour 10 ans et +), ce wargame simple est moins simpliste qu’on pourrait le penser. En l’absence de règles de commandement, de zones de contrôles, il reste toutefois nécessaire de réfléchir à la répartition de ses troupes et à s’essayer au bluff avec la prise en compte des puissances variables des unités.
Par exemple, une voiture blindée pouvant se déplacer de 18 cases (en cas de tirage favorable en mouvement), ce qui oblige à garder en permanence au moins une unité niv 2 (voire 1 si on est joueur) pour défendre son QG. De même, il faut protéger son centre de réparation dont la capture empêche tout réparation ultérieure.
Le plateau de jeu est réussi avec des mignonnes illustrations des villes d’inspirations diverses (Moyen-Orient, Amérique du Sud, Europe, Asie du Sud-Est), les figurines sont assez quelconques mais font le job. Le livret de règle est en revanche peu clair (parfois moins que l’aperçu des règles au dos de la boite), et donne l’impression d’une traduction à la va-vite (la fameuse « option 3 » dont on ne saura pas la signification). La version anglaise est d’après BBG beaucoup plus claire et précise notamment les probabilités de réussite des combats.
Soyons honnête, l’ordinateur, principal argument de vente, peut paraître un peu gadget et aurait tout à fait pu être remplacé par des dés 6 ou des dés spéciaux. Son ergonomie laisse un peu à désirer, particulièrement sur le fait de devoir appuyer sur le bouton « mouvement » entre chaque « tir ». Reconnaissons cependant que, malgré ses défauts, il fait tout le charme de ce mini wargame.
Quelques liens
tankattack sur boardgamegeek
https://boardgamegeek.com/boardgame/35160/tankattack
En mode Marinattack sur boardgamegeek
https://boardgamegeek.com/boardgame/15909/marinattack
Les probabilités
Ci-dessous des estimations des résultats obtenus via l’ordinateur. Il s’agit bien entendu d’approximations.
Mouvement
(estimations réalisées via vidéo)
Mouvements, probabilité d’obtenir 0,2,4 ou 6 pts de mouvements :
- 0 : 1/6
- 2 : 1/3
- 4 : 1/6
- 6 : 1/3
En mode attaque :
- Tir à longue portée : 50 %
- Réparation : 25 %
- Option 3 : 50 %
En mode retraite :
- Tir à longue portée : 50 %
- Réparation : 50 %
- Option 3 : 50 %
Les mouvements
Combat
(estimations réalisées sur 150 tirages)
En mode attaque/O+
* destruction : 1/2
* endommagé (réparation) : 1/4
* aucun effet : 1/4
En mode retraite/O+
* destruction : 1/3 (1/4 selon la notice anglaise)
* endommagé (réparation) : 1/3 (1/4 selon la notice anglaise)
* aucun effet : 1/3 (1/2 selon la notice anglaise)